. Sambizanga (Sarah Maldoror)

 

 

(Angola, France 1972, 95 min. Couleur)

 

Cinémas d’Afrique. Institut Lumière [Lyon]

Ma. 4 juin 2024 16h 45

 

« Ne pleurons plus sa mort.

Domingos Xavier commence sa vraie vie aujourd’hui.

Il entre dans le cœur du peuple angolais. »

 

~ C’est de Sambizanga, quartier populaire de Luanda en Angola, alors sous tutelle portugaise, que partirent à l’aube du 4 février 1961, les quelques militants anticolonialistes qui devaient assiéger les prisons de la sinistre PIDE, la police politique du dictateur Salazar. Ils enclenchaient ainsi le signal de la lutte armée pour l’indépendance nationale qui embrasera toutes les colonies portugaises. Mais, bien des années auparavant, en dépit de la terreur policière, dans les villes et les campagnes, des milliers de combattants et de militants clandestins avaient frayé le chemin de la révolution libératrice, forger la conscience idéologique et organiser le mouvement politique.

Au cœur d’un chantier perdu dans la brousse, à Dondo, non loin de la capitale, le film de la réalisatrice française Sarah Maldoror (1929-2020) brosse le portrait d’un ouvrier tractoriste, militant de la cause nationale, Domingos Xavier, et l’abnégation héroïque de son épouse Maria, jouée par Elisa Andrade. Tous ceux qui ont combattu contre l’oppression coloniale ou s’en sont senti solidaires se reconnaîtront dans ce récit sans concessions, dans lequel Sarah Maldoror offre une vision de l’Angola coloniale extrêmement dure mais toujours précise.

Le scénario se base sur le roman A Vida Verdadeira de Domingos Xavier de de José Luandino Vieira, écrivain angolais blanc né au Portugal, engagé dans la lutte anticoloniale. Il est emprisonné pendant 11 ans pour son engagement. Sarah Maldoror est très proche du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA). Son compagnon Mário Pinto de Andrade, est l'un des principaux chefs du MPLA. Il participe à l'écriture du scénario. Le film est tourné au Congo.

 

Sambizanga est un film qui questionne la place des femmes dans la lutte anticoloniale. Maria est tenu à distance. Domingos ne lui dit rien de ses activités politiques. Quand il est arrêté, elle s'engage à son tour.

Les acteurs sont tous non professionnels, parlent dans leur propre langue : Lingala, Kimbundu, Portugais.

Elisa Andrade, sociologue, militante capverdienne tient le rôle de Maria.Le film est diffusé en Angola, après l'indépendance en 1974.

 

Le film est invisible pendant de nombreuses années. Il est restauré en 2021 avec l'aide de la famille de Sarah Maldoror. Cette restauration fait partie de l’African Film Heritage Project, une initiative créée par The Film Foundation’s World Cinema Project, the Pan African Federation of Filmmakers et l’UNESCO.

 

~ L'écrivain José Luandino Vieira, natif du Portugal et âgé présentement de 89 ans, fut lauréat du prix Camões en 2006. Il grandit dans les quartiers populaires de la capitale angolaise où ses parents s'installèrent alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Il s'engagera en faveur de l'indépendance du pays et deviendra ensuite un citoyen angolais. En 1963, il publie un premier recueil de nouvelles Luaanda qui seront immédiatement interdites par les autorités coloniales. En 1964, alors qu'il purge une peine de 14 années de prison dans les cellules de la PIDE, il est transféré au terrible pénitencier de Chão Bom (ou camp de Tarrafal), dans une des îles du Cap Vert, ouvert en 1936, au lendemain du déclenchement la Guerre civile espagnole. 

La plupart de ses œuvres sont des nouvelles s'inscrivant dans la vie quotidienne des musekes [littéralement en langue kimbudu : quartier rouge, parce que la couleur de la terre utilisée pour les habitations sont de couleur rouge], équivalents des favelas à Luanda. José Luandino Vieira y décrit des quartiers pauvres, remontés contre le colonisateur, mais au sein desquels une nouvelle identité angolaise émerge. L'auteur utilise beaucoup la langue kimbundu pour marquer l'unicité de la langue lusophone angolaise et son portugais « bantouisé ». Il qualifie son œuvre d'"ambaquisme", « phénomène culturel caractérisant le colonisé qui tente d’assimiler, souvent imparfaitement, certains éléments culturels (...) introduits par le colonisateur ». Pour l'auteur mozambicain Mia Couto, José Luandino Vieira « lui a révélé la possibilité de recréer la langue portugaise ».