· Killers of the Flower Moon

(États-Unis, 2023 - David Grann, Martin Scorsese)

C’est sur le tableau lyrique d’une prairie parsemée de violettes, de claytonies et de petits bleuets que débute le palpitant récit de David Grann que l’on a édité en France sous le titre de « La Note américaine ». Martin Scorsese n’en modifie quant à lui ni le titre, et pas même la trame qu’il reconduit à l’identique. D’où l’ampleur du film : trois heures et demi. Il eût été dommage d’en laisser d’abord échapper la métaphore poétique, et, ensuite, la rigueur de l’enquête et son côté tout à la fois ténébreux et hallucinant. Ici, en Oklahoma, les Indiens Osages disent du mois de mai que c’est celui on l’on assassine les fleurs. C’est en effet le destin déchirant de ces petites fleurs colorées que de hautes plantes hérissées condamneront à la mort en leur ôtant lumière et eau. Killers of the Flower Moon n’est-ce pas aussi le requiem d’un peuple dépossédé, parqué sur une terre aride et qui, pour son malheur, a trouvé sous ses pieds des flots d’or noir ? La richesse est singulièrement une malédiction. Des Blancs, comme William Hale (Robert De Niro), se feront hypocritement leurs amis apprenant leur langue et leurs coutumes. D’autres deviendront des squaw men comme Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) quêtant un fructueux héritage. Dès lors, les membres de la tribu indienne mourront l’un après l’autre : assassinats, empoisonnements, maladies, incendies... Début janvier 1926, la Société des Indiens de l’Oklahoma entame une action auprès du système judiciaire. Entrera en scène l’État fédéral qui ouvre une enquête. John Edgar Hoover, fraîchement titularisé à la tête du FBI, fait de ce dossier brûlant un marchepied vers la gloire.

« Scorsese arpente des terres nouvelles : les grands espaces de Gray Horse, une réserve indienne et l’effervescence d’une ville-champignon. Il n’y recrée pas seulement un microcosme de l’histoire de l’Amérique, surgie du génocide de la nation indienne [...] Le labeur s’avère immense, complexe et paradoxal ; d’un côté, réaliser un film aussi précis historiquement que l’est le livre de David Grann sur « le règne de la terreur » perpétré en 1921 par quelques propriétaires blancs qui ont exproprié, volé et assassiné avec méthode les Osages pour les déposséder de l’argent des gisements de pétrole. De l’autre, réaliser un film ressassant, insistant, ruminant sur la conscience d’un de ces criminels, qui a passé sa vie à tuer pour s’enrichir. »
|Frédéric Mercier, « Positif » n° 752, octobre 2023)|

• Killers of the Flower Moon. E.-U., 3 h 26. Réalisation : Martin Scorsese. Scénario : Eric Roth d’après le livre de David Grann. Photographie : Rodrigo Prieto. Musique : Robbie Robertson. Interprétation : Leonardo DiCaprio (Ernest Burkhart), Robert De Niro (William Hale), Lily Gladstone (Mollie Burkhart), Jesse Plemons (Tom White), Tantoo Cardinal (Lizzie Q). Sortie en France : 18 octobre 2023.