Réalisateurs : Yasujiro Ozu

 

 

   

 

¬ Yasujiro OZU 

(12 décembre 1903 - 12 décembre 1963)

 

 

Notre pays rend hommage à l’un des réalisateurs japonais les plus marquants du siècle passé. L’Institut Lumière de Lyon lui consacre une rétrospective dans laquelle on pourra découvrir ou redécouvrir des œuvres peu connues du cinéaste. Enfin, l’éditeur Carlotta a réédité un coffret de 20 films en décembre, proposant un voyage dans l’entière et ample filmographie de l’auteur s’étendant à l’aube du muet, en 1927, jusqu’à l’âge de la couleur, en 1962.

https://www.institut-lumiere.org/actualit%C3%A9s/yasujiro-ozu.html

La revue « Positif » lui consacre quelques pages dans son numéro du mois de décembre courant (n° 754)

Enfin, Arte diffuse, jusqu’au 29 avril 2024, dix de ses meilleurs films en version restaurée et un documentaire de 35 minutes « Yasujiro Ozu, le cinéaste du bonheur ». 


https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024365/yasujiro-ozu-en-dix-chefs-d-oeuvre/


Les films projetés sont les suivants - ceci afin de faciliter une vision chronologique des œuvres :


1. Printemps tardif (1949)
2. Été précoce (1951)
3. Le Goût du riz au thé vert (1952)
4. Voyage à Tokyo (1953)
5. Printemps précoce (1956)
6. Crépuscule à Tokyo (1957)
7. Fleurs d’équinoxe (1958)
8. Bonjour (1959)
9. Fin d’automne (1960)
10. Le Goût du saké (1962)


Manquent à l’appel puisqu’il s’agit essentiellement des dernières œuvres d’Ozu, Les Sœurs Munakata (1950), Herbes flottantes (1959) et Dernier Caprice (1961). On les retrouvera dans les coffrets Blue Ray Carlotta.

 

Ozu est de tous les cinéastes « historiques » du cinéma japonais celui qui aura le plus influencé les réalisateurs des générations suivantes ; ses thèmes sont d’une grande universalité et interpellent forcément toujours, même si le monde, au Japon comme partout ailleurs, se transforme sans cesse et à une vitesse incoercible. « Témoin vigilant des métamorphoses de son pays et, à ce titre, peu féru de fascination pour le passé - il n’a signé qu’un seul film historique -, Ozu traque les infinies mutations, qui s’opèrent dans le présent et remodèlent les consciences. L’irrésistible américanisation de la capitale s’exhibe ainsi dans les fameuses ponctuations du récit que forment les plans de façades, de voies ferrées ou d’entreprises (« Voyage à Tokyo » de 1953 en est l’exemple le plus célèbre). Dans « Récit d’un propriétaire », datant de 1947, le nom de la maison d’édition « Time Life » orne d’un immense mur nu ; quinze ans plus tard, en 1961, ce sont des enseignes publicitaires au néon qui clignotent, comme dans n’importe quelle métropole occidentale », écrit Baptiste Roux pour « Positif ». « Le pays que filme Ozu, ajoute-t-il, est un Japon crépusculaire : la lente évanescence d’un monde ancien sur fond de liquidation de la tradition. » Cela s’opère non uniquement au niveau des transformations économiques et urbaines - « Dernier Caprice » (1961) laisse à penser que la brasserie familiale que l’époux de Fumiko (Michiyo Aratama) tente de faire survivre sera à terme condamnée -, mais tout autant au niveau des modes de vie et des mentalités. Il n’y a chez Ozu, nulle amertume passéiste, simplement un constat en forme de méditation fataliste. « Les vieux meurent, les jeunes les remplacent. Le monde est ainsi fait », dit un des personnages de ce film. Aussi est-il logique que le rayonnement de l’élément féminin chez Ozu y soit notablement souligné. L’aspiration des femmes à l’autonomie y apparaît fortement. « Cette volonté d’émancipation tient moins à l’évolution des rapports entre les hommes et les femmes, réajustés dans le Japon d’après-guerre, teinté de valeurs occidentales et partant favorable à l’émancipation de ces dernières, qu’à l’éthique de responsabilité dont la jeune fille ou la femme de 40 ans sont porteuses, dans ce cinéma. » (B. Roux) Elles reflètent, à vrai dire, et, en dépit des aléas les plus tragiques et les plus contradictoires, le courage inusité dont les femmes japonaises ont dû faire preuve dans des circonstances totalement inédites : l’absence massive de l’élément masculin, retenu au front, mort ou terriblement mutilé et traumatisé par la guerre. Tandis que les survivants masculins sont totalement anéantis moralement et psychologiquement, les femmes doivent faire face en dépit de tout. « Il est d’ailleurs notable, juge Baptiste Roux, que le nombre de personnages déclinant le pôle féminin se démultiplie à mesure que l’on s’éloigne de la fin de la guerre : une unique protagoniste est au cœur de « Récit d’un propriétaire » (1947) et d’ « Une femme dans le vent » (1948), deux dans le cas des « Sœurs Munataka » (1950), trois pour « Dernier Caprice » (1961). » Mais, c’est aussi à travers leurs situations respectives qu’il nous faut observer l’éclatement d’un univers désormais anachronique et sa régénération. Tout a une fin, mais ce n’est pas la fin de tout.

« C'est la pensée d'Ozu : la vie est simple, et l'homme ne cesse de la compliquer en "agitant l'eau dormante". Il y a un temps pour la vie, un temps pour la mort, un temps pour la mère, un temps pour la fille, mais les hommes les mélangent, les font surgir en désordre, les dressent en conflits » (Gilles Deleuze, Cinéma 2 : L’Image-temps, Éditions de Minuit)

 

- Photos

Printemps tardif (1949 - Setsuko Hara, Chishû Ryû)

Eté précoce (1951 - Setsuko Hara, Chikage Awashima, Matsuko Shiga, Kuniko Igawa)

Le Goût du riz au thé vert (1952 - Shin Saburi, Michiyo Kogure)

Voyage à Tokyo (1953 - Setsuko Hara, Chishû Ryû)

Printemps précoce (1956 - Chikage Awashima, Ryô Ikebe)

Crépuscule à Tokyo (1957 - Ineko Arima, Setsuko Hara)

Fleurs d'équinoxe (1958 - Ineko Arima, Fujiko Yamamoto)

Bonjour (1959 - Masahiko Shimazu)

Fin d'automne (1960 - Yôko Tsukasa, Mariko Okada, Setsuko Hara [les dames], Nobuo Nakamura, Shin Saburi, Ryuji Kita [les messieurs])

Le Goût du saké (1962 -  Shima Iwashita, Chishû Ryû)