
¬ La Fille inconnue (Jean-Pierre et Luc Dardenne, 2016)
https://www.arte.tv/.../100871-000-A/la-fille-inconnue/
~ Le dixième long métrage des frères Dardenne ne s’échappe guère : point d’éclaircie sentimentale, point de brèche poétique. Dès la première séquence, la nature du récit nous est livré. Le titre l’éclaire nettement. La Fille inconnue se déroule à la façon d’une enquête policière. Mais la rigueur et la précision de l’observation rachètent largement tout ce que l’intrigue pourrait avoir de banal. En second lieu, il y a l’interprétation des comédiens et, avant tout, celle, bouleversante et admirable, d’Adèle Haenel dans le rôle du docteur généraliste Jenny Davin. Il est juste, comme le fait Yann Tobin pour “Positif” d’octobre 2016, d’imaginer à « La Fille inconnue » un second titre « Portrait de Jenny ». C’est, en effet, celle que l’on voit surtout : l’humanité qu’elle met à scruter et soigner autour d’elle une autre humanité, sans faiblesse, sans apitoiement mais toujours avec indulgence et compréhension. C’est évidemment le b.a.-ba du médecin généraliste. Et, néanmoins, Jenny pense avoir failli : en réprimandant le stagiaire Julien (Olivier Bonnaud), puis en l’empêchant de répondre à l’interphone au-delà des heures de consultation. Elle n’a pas su contrôler ses émotions. Le drame s’est produit. On retrouve là un des motifs de prédilection des frères cinéastes : le sentiment de culpabilité, outre ceux de l’exclusion sociale et des déchirements moraux. Pour autant, on ne saura rien d’autre sur Jenny que ce qu’elle donne à voir dans sa probité professionnelle et son amour pour le métier. Dès lors, « La Fille inconnue » n’est, sans doute, pas uniquement la jeune fille morte accidentellement dans un fossé. C’est Jenny Davin (Adèle Haenel) elle-même. Son mystère est entier, et, paradoxalement, son humanité nous suffit. A-t-on besoin de la connaître pour ne pas la connaître ? Jenny est d’ailleurs constamment filmé de profil : il nous importe de la voir dans son rapport aux autres. C’est une partie d’elle - la plus importante - qui nous est dévoilée. Comme la réplique qu’elle lâche au père de Bryan (Jérémie Rénier) : « Si la fille inconnue était morte, elle ne serait pas dans nos têtes ». Au-delà de la mort, il y a notre humanité.
Msh.
La Fille inconnue. Belgique, France. 2016. 106 min. R. Sc. Jean-Pierre et Luc Dardenne. Ph. Alain Marcoen. Déc. Igor Gabriel. Cost. Maïra Ramedhan-Lévi. Mont. Marie-Hélène Dazo. Prod. Les Films du Fleuve, Archipel 35, Savage Film avec France 2 Cinéma. I. Adèle Haenel (docteur Jenny Davin), Olivier Bonnaud (Julien), Jérémie Rénier (le père de Bryan), Louka Minnella (Bryan), Christelle Cornil (la mère de Bryan), Nadège Ouedraogo (la caissière du cybercafé), Olivier Gourmet (le fils Lambert), Pierre Sumkay (le père Lambert). Sortie en France : 12 octobre 2016.