Nino Manfredi

Miracle à l’italienne (Per grazia ricevuta, 1971 - Nino Manfredi)

 

Je 12/12 20 h 30 Institut Lumière [Lyon] https://www.institut-lumiere.org/actu.../cinema-italien.html

 

~ Élevé par sa tante, le jeune Benedetto Parisi chute du haut d’une falaise le jour de sa communion. Il en réchappe sans nulle blessure. Dans sa commune, il devient alors - per grazia ricevuta ou par la grâce de Dieu - un « miraculé » destiné pour la vie à un saint patron, Sant’Eusebio. Devenu l’homme à tout faire d’un couvent monacal, il est libéré par le père supérieur qui ne le croit guère capable de remplir sa mission. Quadragénaire, Benedetto se retrouve sur le chemin de la vie réelle...

 

~ La plupart des grands acteurs du cinéma italien d’après-guerre ne furent pas uniquement les interprètes éprouvés de leur rôle. Ils furent aussi parfois coscénariste de leurs films. En d’autres cas, ils enrichissaient la trame narrative d’un film grâce à une observation aiguë et une connaissance intime de la vie réelle, grâce aux récits particuliers nés de leurs rencontres avec les gens. Très liés aux couches populaires les plus humbles, quand ils n’en étaient pas eux-mêmes issus, des comédiens comme Alberto Sordi, Nino Manfredi, Ugo Tognazzi ou Vittorio Gassman pour ne citer qu’eux, purent ainsi passer aisément derrière la caméra. Sordi réalisa même dix-huit longs métrages, pour l’essentiel inconnus dans l’hexagone. Nino Manfredi, pour sa part, nous en laisse deux : celui-ci et onze ans plus tard, “Nudo di donna” (”Nu de femme”) qui se déroule entièrement à Venise. “Per grazia ricevuta” (Miracle à l’italienne) fut incompris lorsqu’il fut présenté au festival de Cannes en 1971. Cette œuvre avait de quoi déboussoler : on n’y retrouvait point la satire corrosive à laquelle on aurait pu s’attendre à l’endroit de l'institution catholique. Nino Manfredi, inspiré par son expérience personnelle, cherchait plutôt à saisir l’essence des choses plutôt qu’à en dresser un constat accablant. L’humour y est plus nuancé, dépourvu de méchanceté. Le ton est plutôt celui de la fable. En second lieu, Nino Manfredi montre que la religion fait en bien des cas bon ménage avec des croyances typiquement populaires émergeant de longs siècles de peurs et de superstitions dans les campagnes. En retour, une forme de rigorisme religieux peut alors détruire toute forme de spiritualité vivante dans les couches populaires. Ce type de constat ne vaut pas que pour l’Italie profonde : on le retrouve un peu partout dans le monde. L’originalité de la démarche de Nino Manfredi apparaît aujourd’hui avec une force d’autant plus visionnaire. La destinée de Benedetto Parisi est à elle seule extraordinaire : alors qu’il croit s’être libéré des interdits et des préjugés religieux grâce à la rencontre d’un pharmacien athée Oreste (Lionel Stander) et de sa fille qu’il aime Giovanna (Delia Boccardo), il assiste, incrédule, au retournement d’Oreste qui accepte de recevoir sur son lit d’agonie l’extrême-onction et embrasse même un crucifix. Benedetto tente alors, mais sans succès, de se suicider. Sur l’existence de Dieu ou sa non existence, Benedetto n’est en effet guère plus avancé. Mais, à quoi bon servirait-il de savoir si Dieu existe ou pas ? L’essentiel est qu’il ne soit pour nous et les autres le Père-tyran qui nous empêche de vivre. Mais comme le dit Freddy Buache, « on ne se libère pas aussi facilement de vingt siècles d’obscurantisme et d’inquisition brutale ou paternaliste. » Un film à (re)découvrir.

 

Miracle à l’italienne (Per grazia ricevuta). Italie, 1971. 98 minutes. R. et Sc. Nino Manfredi avec Leo Benvenuti, Piero De Bernardi et Luigi Magni. Ph. Armando Nannuzzi. Mus. Guido De Angelis. Mont. Alberto Gallitti. Prod. Rizzoli Films. I. Nino Manfredi (Benedetto), Delia Boccardo (Giovanna), Lionel Stander (le pharmacien), Paola Borboni (Immacolata, la mère de Giovanna), Fausto Tozzi (le chirurgien), Mariangela Melato (la monitrice de la colonie). Le film a été tourné à l’été 1970, en grande partie dans le Bas-Latium, la Tuscie et l’Ombrie.

Per grazia ricevuta