... Séduite et abandonnée (Sedotta e abbandonata, 1964 -
Pietro Germi)
Me 18/12 16 h 15 - Je 9/01 18 h 30 Institut Lumière (Lyon) Cinéma italien
. Dans la province de Caltanissetta (Sicile), Agnese Ascalone (Stefania Sandrelli), la fille d’un entrepreneur, est séduite et engrossée par le fiancé de sa sœur, Peppino (Aldo Puglisi). Don Vincenzo, le père d’Agnese (Saro Urzi) exige qu’on consomme le mariage réparateur le plus tôt possible. Mais Peppino refuse catégoriquement arguant qu'Agnese n'est désormais plus une femme chaste. Sur les conseils d'un cousin magistrat, Don Vincenzo Ascalone envisage de le faire tuer par son fils, Antonio (Lando Buzzanca). En exerçant ainsi la vengeance, le fils de Vincenzo écoperait d'une peine plus clémente. Fébrile et irrésolu, Antonio avertit cependant Agnese qui alerte derechef la police...
Pietro Germi prolonge le propos tenu dans Divorzio all’italiana. Il n’exploite pourtant pas un filon, celui qu’il semble avoir découvert ici : une comédie à la sicilienne. Jugé par rapport au premier film de 1961, Sedotta e abbandonata embrasse l’autre versant de la question. Le discours y est désormais plus ample, plus intensifié et plus provocateur. En outre, selon Germi, les plaies constatées ici, dans cette île où les passions s’exacerbent sous le brûlant soleil du Mezzogiorno, ne sont pas à chercher ailleurs que sur la péninsule tout entière. Il déclare ainsi : « Sedotta e abbandonata est un film sur l’aliénation. Qu’est-ce que l’aliénation ? Tout ce qui détourne l’homme de lui-même. Nous voyons un enchevêtrement d’êtres humains qui perdent de vue la valeur essentielle de leur vie. Ils sont aliénés. Dans ce cas, c’est le mythe de l’honneur qui les éloigne d’eux-mêmes et des valeurs authentiques, c’est-à-dire ici de la valeur humaine de la jeune femme victime, Agnese (interprété par Stefania Sandrelli). Le père Ascalone n’aime rien, il l’aimerait bien sa fille, mais il la sacrifie [...] ». Il l'immole à l’autel d’une conception anachronique totalement extérieure à son moi profond. Il est donc son propre ennemi. Aussi, le cinéaste ne veut surtout pas que l’on rétrécisse la perspective à celui de la seule Sicile. Il dit encore : « Je ne trouve pas qu’un tel film soit très sicilien. Il tire son origine de la réalité insulaire, il y plonge ses racines pour arriver à une signification totalement symbolique qui est justement celle de l’aliénation. Le mythe c’est en ce cas l’honneur, mais cela pourrait être la Patrie, la Religion, l’Argent... et que sais-je encore. C’est la représentation d’un monde aliéné, selon le mode grotesque et donc exaspéré, et par conséquent gonflé par de la levure contaminée. C’est une représentation qui vise à des effets cruels, justement par ce qu’elle veut opérer une secousse très violente. Toutefois, son objectif est absolument universel. » [cité par Orio Caldiron, in : Pietro Germi. Le cinéma frontalier, Gremese Éd.] « La Sicile se fait le théâtre d’une comédie de la société italienne », commentait Leonardo Sciascia à propos de Divorzio all’italiana qu’il avait aimé. Ici, ce théâtre grotesque devient proprement monstrueux et convulsif. Germi en appuie le trait pour mieux en déplorer l’absurdité.
Italie, France, 1964. 122 min. N&B. Prod. Franco Cristaldi, Luigi Giacosi. - Lux-Ultra-Vides (It.), C.C.F. (France). R. Pietro Germi. Sujet : P. Germi, Luciano Vincenzoni. Sc. Age et Scarpelli. Ph. Aiace Parolin. Décors, cost. Carlo Egidi, Angela Sammaciccia. Mus. Carlo Rustichelli. Chansons : "L'onuri di l'ascaluni" (C. Rustichelli, Pino Ferrara), “Guarda come dondolo” (Eduardo Vianello), Montage : Roberto Cinquini. I. Stefania Sandrelli (Agnese Ascalone), Saro Urzi (Don Vincenzo, son père), Lando Buzzanca (Antonio), Aldo Puglisi (Peppino Califano), Paola Biggio (Matilde), Leopoldo Trieste (barone Rizieri), Lola Braccini (Amalia), Umberto Spadaro (l'avocat, cousin de Don Vincenzo). Prix de la meilleure interprétation masculine au festival de Cannes 1964 pour Saro Urzi. Ticket d'Or au même festival.
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