Schermo : Estate violenta (V. Zurlini)
◙ Été violent
(Estate violenta, 1959)
Valerio Zurlini
https://www.arte.tv/fr/videos/062208-000-A/ete-violent/
Juillet 1943. Riccione, station balnéaire de l’Adriatique.
De jeunes touristes bourgeois profitent des vacances dans un climat d’insouciance. Carlo (Jean-Louis Trintignant) rencontre Roberta (Eleonora Rossi Drago) alors qu’il cherche à protéger sa petite fille. Roberta a perdu son mari à la guerre. Ils s’éprennent l’un de l’autre. Au cours d’un contrôle, la police militaire italienne découvre qu’il n’est pas en règle… Roberta ne veut pas qu’il rejoigne l’armée. Mais la guerre et ses terribles bombardements déchirent l’Italie tout entière.
Été violent a constitué un tournant dans la cinématographie italienne. C’est la première œuvre qui affronte un sujet tabou : l’année 1943 dans l’histoire péninsulaire : la chute de Mussolini, les soubresauts et les conflits politiques qui ont suivi…
- Valerio Zurlini : « J’ai compris en lisant les classiques combien est belle la fusion entre une histoire privée et un événement historique. Le film fut réalisé au milieu de difficultés incroyables. À la veille de la scène du bombardement, le producteur Goffredo Lombardo prit une décision qui changea le sort du film. Il décida de jeter dans cette séquence les moyens d’un film normal. Elle fut réalisée en onze jours avec quatre caméras et tous les moyens possibles. Naturellement, à la fin du film, ce poids d’aventure collective, même résumée en un bombardement, mais mise en scène avec des moyens presque à l’américaine, renversa la qualité du film qui jusque-là était de nature intimiste, tout entier dans le jeu des acteurs, les regards, les sous-entendus. Grâce à cette fusion finale, le film eut un succès extraordinaire lorsqu’il sortit : des gens se souvenaient de cette période et se reconnurent dans le film. Avec le portrait du milieu analysé dans « Estate violenta », j’avais essayé non de procéder à un examen critique mais plutôt de fixer certaines impressions visuelles que j’avais eues au cours de cet été 1943. Je cherchais à retrouver le vide qui entourait la jeunesse de ce temps, un vide intellectuel, culturel, un vide de confiance, d’absence d’attente vis-à-vis du futur. Ils étaient comme cela : d’étranges garçons un peu stupides, phénomène qui, en définitive, provenait d’une éducation qui les voulaient ainsi. Dans la bourgeoisie de cette époque, ceux qui s’intéressaient à quelque chose étaient une exception. » (Entretien avec Jean A. Gili, Rome, novembre 1976)
« Été violent » évoque le thème du couple impossible. C’est un motif régulier chez Zurlini. Pourtant, le cinéaste est certainement un de ceux qui ont montré avec le plus d’authenticité et de force l’intensité du sentiment amoureux. Regarder un film de Zurlini produit de ce point de vue, chez le spectateur, un bouleversement intérieur profond.
- V. Z. : « Selon moi, le couple est toujours impossible et pas uniquement parce qu’il y a une différence sociale ou une barrière extérieure. La fusion du couple est fatalement chose périssable, destinée à s’éteindre. Je ne crois absolument pas au mariage parce que je crois au contraire à l’intensité des sentiments. Cependant, je ne crois pas qu’il ne puisse pas se diluer, qu’il puisse demeurer aussi fort sur une longue durée. Dans mes films, je parle toujours de la fin des sentiments, je ne parle jamais de la fin d’une relation ou d’un couple. […] Si dans mes films, je crée des situations propres à rendre a priori le couple impossible, cela n’est que le reflet romancé et dramatique d’une conviction plus profonde : la fatale impossibilité du couple. (Entretien cité)
Pourquoi et comment est venu le besoin de décrire cette période chez le réalisateur ?
- V. Z. : « Je voulais un film situé durant cette année-là parce que pour moi 1943 a été une année décisive, une année durant laquelle ont mûri en moi d’importantes décisions. J’ai eu l’intuition que la chute du Duce le 25 juillet serait suivie de l’armistice du 8 septembre et que cela mènerait fatalement à l’occupation de l’Italie par les Allemands. Quelqu’un qui avait 17 ou 18 ans à ce moment-là devait réagir. Moi, je décidai de m’opposer aux Allemands avant même qu’ils occupent le pays. […] Je me suis donc penché sur l’année 1943 parce que cette année marqua pour moi le début d’une saison merveilleuse. De 1943 à 1945, il y a tout dans mon existence : la connaissance de la mort, la connaissance du risque, la connaissance de sa propre capacité à prendre des décisions, le fait de mettre à l’épreuve son propre courage, de sentir sa propre peur, de connaître son propre pays, de connaître les soldats, de connaître mon peuple. J’étais dans une situation dorée, celle des privilèges réservés à la haute bourgeoisie et à l’aristocratie. C’est dans cette période-là que j’ai appris à aimer le peuple italien avec un amour tout à la fois filial, fraternel et paternel. […] » (Entretien cité)
Été violent (Estate violenta). Italie, France. 1959. Noir et blanc, 93 minutes. Sujet et réalisation : Valerio Zurlini. Assistants : Florestano Vancini, Mario Missiroli. Scénario : Suso Cecchi d'Amico, Giorgio Prospero, V. Zurlini. Photographie : Tino Santoni. Direction artistique : Dario Cecchi, Massimiliano Capriccioli. Musique : Mario Nascimbene. Montage : Mario Serandrei. Sociétés de production : Titanus (Rome), SGC (Paris). Interprétation : Eleonora Rossi Drago (Roberta Parmesan), Jean-Louis Trintignant (Carlo Caremoli), Jacqueline Sassard (Rossana), Cathia Caro (Serena), Lila Brignone (la mère de Roberta), Enrico Maria Salerno (Ettore Caremoli, le père de Carlo), Raf Mattioli (Giorgio), Federica Ranchi (Maddalena), Bruno Carotenuto (Giulio). Sortie en Italie : 13 novembre 1959. Sortie en France : 5 juillet 1963.