Idées : Israël

Jérusalem

 

 

·· 1947-49 : Comment Israël expulsa les Palestiniens

Les révélations des historiens israéliens de la nouvelle génération

 Il y a quinze ans à présent, Dominique Vidal et Sébastien Boussois rendaient compte du travail d’une historiographie israélienne en rupture avec la version historique défendue par les autorités officielles. Parmi eux, des hommes comme Simha Flapan, le précurseur, puis Ilan Pappé, Benny Morris ou Avi Shlaïm. « Sous leur faisceau se dévoile le grand refoulé du sionisme, écrivent Vidal et Boussois : la renaissance d’Israël aura engendré une catastrophe nationale pour les Palestiniens. Avec l’exode de ces derniers, ainsi revisité, le sionisme ne peut plus apparaître dans sa conception immaculée. La renaissance d’Israël, si juste en elle-même, s’acquiert, en partie, aux dépens des Palestiniens. [...] L’histoire de l’expulsion palestinienne, émergeant d’un colossal refoulement collectif, archives israéliennes à l’appui, fait apparaître la part de responsabilité d’Israël et de ses pères fondateurs. Sans plan global ni politique d’expulsion prémédités, mais avec une volonté délibérée d’expulsion et de destruction des villages arabes, Israël aurait encouragé et stimulé l’exode massif, selon Benny Morris. Son collègue Ilan Pappé valide, dans le feu de la polémique avec les anciens, l’approche d’une stratégie globale d’expulsion, voire d’une idéologie de transfert, chez David Ben Gourion. » L’ouvrage faisait donc une remarquable synthèse des recherches de la nouvelle historiographie israélienne à rebours des omissions et mensonges officiels. Or, ces travaux demeuraient très mal connus en France. Qu’en est-il à présent ? Je ne suis guère optimiste sur ce point. Vu la manière dont les différents courants politiques hexagonaux se déchirent autour d’un conflit qui, logiquement, devraient nous inviter à plus de circonspection, infiniment de précaution, et, surtout, à beaucoup plus d’empathie. Or, d’un côté comme de l’autre, n’oublions pas au moins un fait indubitable : nous ne sommes ni Palestiniens et ni Israéliens. Mon origine juive ne me rend pas plus proche d’un Israélien ou d’un Palestinien - il y a des juifs palestiniens : il semblerait qu’on l’ait oublié ! - que d’un Colombien ou d’un Australien. En tous les cas, comme pour ces derniers, je n’en rencontre guère en bas de mon allée. Et, ensuite, que savons nous des habitants de Gaza et de la Cisjordanie, que comprenons nous de leur détresse et de leur souffrance ? Que savons nous du peuple israélien, de sa situation quotidienne, de ses aspirations et de sa réelle identité, étant entendu que celle-ci est d’une grande diversité ?

Je l’avoue et ne crois pas être le seul : je suis totalement consterné par la façon dont ce conflit est vécu en France. On ressent la fâcheuse impression que, sous couvert de Palestine ou d’Israël, certains règlent des comptes intra muros, prolongeant pour les uns et les autres, leurs discours récurrents sur l’Islam ou sur les Juifs.

Retour au livre, déjà ancien mais nullement dépassé de Dominique Vidal et Sébastien Boussois. Avec le chapitre 1 : « Du génocide au partage de la Palestine ». Toujours intéressant à relire. Toujours édifiant lorsqu’on constate, ici ou là, la récurrence fâcheuse de certaines divergences provoquant des affrontements sans merci. (Michel Sportisse)

 

***

 

Flushing Meadows, près de New York, le 29 novembre 1947 : à la majorité, requise, des deux tiers, l’Assemblée générale des Nations unies adopte, sous le nom de résolution 181, un plan de partage de la Palestine. Par 33 voix pour (dont les États-Unis et l’URSS), 13 contre et 10 abstentions (dont la Grande-Bretagne), elle décide de créer deux États, l’un juif et l’autre arabe, tout en plaçant Jérusalem et les lieux saints sous un « régime international particulier ».

Pour le mouvement sioniste, l’heure est historique. Mille neuf cents ans après la disparition de toute structure étatique juive en Terre sainte, la communauté internationale reconnaît le droit des Juifs à y reconstruire un État - aux côtés, il est vrai, d’un État arabe. Durant des siècles, certes, les juifs pieux de la diaspora (note : le terme issu du grec fut, à l’origine, en langue française uniquement utilisé pour les communautés juives) se sont promis de ne pas oublier Jérusalem, au point de s’y donner rituellement rendez-vous « l’an prochain ». Mais rares furent ceux qui, à travers toutes ces générations, pensèrent vraiment y recréer une souveraineté juive. Vint Theodor Herzl : bouleversé par l’affaire Dreyfus, qu’il suivait à Paris pour son journal, cet intellectuel juif jusque-là assimilationniste rédige « L’État des juifs » et, un an plus tard, en août 1897, réunit le premier Congrès juif mondial. Tirant leur nom de Sion (Har Tsiyyon) , une des collines de Jérusalem (note : Sion est décrit dans le Tanakh, comme étant la résidence de יהוה [Souviens toi de ce mont Sion ou tu fixas ta résidence ! Psaume; 74]), les sionistes revendiquent pour le « peuple juif » un « foyer reconnu publiquement et garanti juridiquement».

 

Mais ce projet, Herzl le sait, n’a de chance d’aboutir que s’il bénéficie de l’appui d’une grande puissance. C’est en vain que le fondateur du sionisme tentera de convaincre le sultan ottoman, l’empereur Guillaume, les ministres du tsar russe, Witte et von Plehve, ou le pape Pie X. En 1904, le fondateur du sionisme politique se tourne enfin vers Londres : « L’Angleterre, la puissante Angleterre avec sa perspective embrassant le monde, nous comprendra, nous et nos aspirations, lance-t-il devant le quatrième Congrès de son mouvement. Avec l’Angleterre en guise de point d’appui, nous pouvons être assurés que l’idée sioniste s’élancera plus avant et plus haut que jamais auparavant. » Mais Herzl meurt en 1908. Neuf ans plus tard, Haïm Weizmann réalisera son rêve. C’est que le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté, en pleine guerre mondiale, a besoin de l’appui des Juifs dans l’immédiat, pour garantir l’engagement des États-Unis et de la Russie contre l’Allemagne ; à plus long terme, pour se donner un atout supplémentaire en vue du dépeçage de l’Empire ottoman. D’où la fameuse déclaration Balfour du 2 novembre 1917 (note : « La date de la lettre est celle de la victoire décisive que l’armée britannique remporte contre les forces ottomanes à Gaza. Celle-ci survient suite à la « Grande révolte arabe » qui a considérablement facilité la défaite des Ottomans. N’ayant plus autant besoin des Arabes, la Grande-Bretagne se tourne vers les sionistes, ce qui ne peut que provoquer les protestations des nationalistes arabes à qui Londres a promis, notamment dans l’accord Hussein — MacMahon, conclu en 1915, de favoriser la mise en place d’un grand État arabe indépendant. Il n’est pas difficile d’y entrevoir la stratégie millénaire du « diviser pour régner », écrit l’historien Yakov Rabkin de Montréal) : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives » - lesquelles, soulignons-le, regroupent alors 90 % de la population de Palestine...

 

Et forts du mandat qui leur sera confié en 1922, les Britanniques tiennent parole... sur le premier point. Grâce à l’administration britannique, la communauté juive de Palestine, appelée Yichouv devient un État dans l'État. (note : Le Yichouv (en hébreu יישוב « localité, agglomération, peuplement» ; l'appellation complète étant : הישוב היהודי בארץ ישראל « Hayishouv Hayehoudi bèEretz Yisraël, peuplement juif en terre d'Israël », est un terme hébreu pour désigner l'ensemble des Juifs présents en Palestine avant la création de l'État d'Israël. On distingue le « Vieux Yichouv », ensemble des Juifs qui vivaient en Palestine sous l’Empire ottoman avant 1880, et le « Nouveau Yichouv», qui désigne les populations juives arrivées après, d'abord dans des agglomérations financées par des philanthropes comme Moïse Montefiore, ensuite dans le cadre du projet sioniste.) Les chiffres ne sauraient mentir : de 1922 à la fin de 1946, le nombre de Juifs grimpe de 84 000 à 608 000, c’est-à-dire d’un dixième à un tiers de la population totale ; la superficie possédée par les Juifs s’étend, entre 1897 et 1947, de 20 000 à 180 000 hectares, soit 7 % des terres - sur lesquelles les colonies juives, dont le nombre a crû de 27 à 300, produisent 28 % du produit agricole de la Palestine ; quant à la production industrielle du Yichouv, elle explose littéralement de l’indice 100 en 1920-1922 à l’indice 1 029 en 1937-38, pour doubler encore jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; le revenu moyen juif atteint alors le double du revenu moyen arabe...

 

Seule limite à cette expansion : la résistance des Arabes de Palestine. Elle se manifeste de plus en plus massivement et violemment, à la mesure de l’immigration juive grossie par la montée du péril nazi. Aux premiers heurts sérieux de 1921 et de 1929 succède, de 1936 à 1939, une insurrection qui prend vite des allures de guerre civile. Aidée par les forces juives, l’armée britannique mate la révolte. (note : Cette dernière révolte arabe est un point culminant dans la lutte des nationalistes palestiniens. Déjà, en 1929, soixante-sept Juifs, dont un tiers d’étudiants à l’académie talmudique de Hébron, avaient été massacrés, leurs maisons ainsi que les synagogues pillées. Le 15 avril 1936, le mouvement créé par Izz al-Din al-Qassam commet un attentat contre un convoi de taxis sur la route Tulkarem-Naplouse où deux Juifs sont tués, ce qui sera considéré comme l'événement déclencheur de la Grande révolte. Dans la métropole de Tel-Aviv-Jaffa, marquée par de violents incidents entre Arabes et Juifs, la révolte débute le 19 avril 1936 lors d'une émeute arabe à Jaffa où neuf Juifs sont tués et 12 000 sont contraints de se réfugier à Tel Aviv.

Cette révolte préfigure les conflits d’après-guerre. Présentement, son échec aboutit au démantèlement des forces paramilitaires arabes et, a contrario, au renforcement des forces armées du Yichouv. Les Britanniques répriment quant à eux sévèrement les populations arabes. Exemple : Le 16 juin 1936, les Britanniques font sauter 220 à 240 bâtiments de Jaffa, privant de domiciles et souvent de tous leurs biens six mille Arabes environ. Ainsi, la vieille ville de Jaffa est partiellement détruite, et des milliers de militants arabes sont arrêtés. Des dizaines d’entre eux sont condamnés à mort. D'autres villages seront rasés comme Mi'ar en octobre 1938.) Cependant, le Foreign Office infléchit sa politique pour ne pas jeter le monde arabe, profondément heurté par le sort de ses frères de Palestine, dans les bras de Hitler. C’est le « Livre blanc » britannique du 17 mai 1939 (note : Le troisième en réalité, après celui de juin 1922 et celui d’octobre 1930) ; Londres limite l’immigration juive à 75 000 personnes en cinq ans, restreint l’achat de terres et promet d’amener dans les dix ans la Palestine à l’indépendance avec au maximum un tiers de Juifs.

 

***

 

Les politiciens britanniques tenteront vainement, une fois la Seconde Guerre mondiale terminée, de s’accrocher à ce plan : il est littéralement inapplicable. « Au sortir de le guerre, note Élie Barnavi (note : intellectuel israélien d’origine roumaine, très imprégné de culture française, Barnavi a été ambassadeur d’Israël en France. Il est membre du mouvement « La Paix maintenant ».), la vision d’horreur des camps de la mort, la découverte de l’étendue du désastre - près de six millions de victimes, soit un tiers du peuple juif -, les centaines de milliers de survivants hébétés dont personne ne veut, tout cela investit les thèses sionistes de la simplicité de l’évidence : pour que « cela » ne se reproduise plus, il faut aux Juifs une terre à eux. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du mouvement, l’adhésion des masses juives est pleine et entière, de même que la sympathie de l’opinion mondiale. » Et l’historien israélien de conclure : « Pour choquant que cela puisse paraître, Hitler a certainement été le levier le plus puissant dans l’édification de l’État juif. » (note : De 1919 à 1931, 117 000 juifs gagnent la Palestine. De 1932 à 1939, ils seront 248 000. S’y ajouteront 14 000 immigrants jusqu’au 14 mai 1948, et 690 000 jusqu’à la fin 1951.)

 

Un État dont la première mission est d’accueillir tous ceux qui, revenus de l’enfer, entendent recommencer leur vie, en premier lieu les centaines de milliers d’hommes et de femmes entassés dans les camps de personnes déplacées (DP), et dont beaucoup n’ont nulle part où aller sauf en Palestine. Car ils ne peuvent ou ne veulent retourner dans leur pays d’origine, où l’antisémitisme reste vivace, comme le prouve, en Pologne, début juillet 1946, le pogrome de Kielce (note : Le pogrome est une flambée de brutalités exercées dans la ville de Kielce, située au sud de la Pologne, vers le massif des monts Sainte-Croix, à l‘encontre des rescapés juifs revenus d'URSS - la ville ayant été vidée de ses habitants juifs durant l’occupation allemande - après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah. Il y aurait eu 42 morts et 80 blessés. Selon les informations répercutées au public, le jour même, par les autorités polonaises communistes, il aurait été perpétré par la population locale. À dire vrai, les origines et les circonstances de ce drame n’ont jamais été vraiment éclaircis, ni sous le régime communiste, et pas non plus ensuite : de nombreux éléments de l’ « affaire » ayant été détruits.) Le rêve de nombre d’entre eux, c’est bien sûr de gagner le Nouveau Monde ; en 1947, placés devant « une égale possibilité d’aller en Palestine ou aux États-Unis, 50 % des survivants [des camps de la mort] rejoindraient les malheureux Juifs de la diaspora en Amérique ». Mais les autorités américaines ne distribuent les visas qu’au compte-gouttes : entre 1940 et 1948, elles n’ont accepté en tout et pour tout que 57 000 Juifs européens. Tragique, l’impasse alimente l’immigration clandestine vers la Palestine, qui, organisée par le Mossad le’aliyah Bet (branche du Haganah, entre 1938 et 1952), devient massive. Si bien que les mesures prises par les Britanniques pour stopper le flot se retournent contre eux : le drame de l’Exodus durant l’été 1947, révolte une opinion publique mondiale d’autant plus mobilisée qu’elle ne l’avait guère été face aux persécutions antisémites...

 

Conscients des avantages que leur offre la situation, les dirigeants du futur État d’Israël sauront les utiliser au mieux. Contre l’« occupant » britannique, ils organiseront une résistance qui ira crescendo n’hésitant pas à recourir au terrorisme. Dès 1940, le groupe le plus extrémiste, dit groupe Stern, avait multiplié les coups de main. En 1944, il est rejoint par l’Irgoun Zvaï Leoumi (Organisation militaire nationale) également issue du courant révisionniste, qui se situe à droite du mouvement sioniste. Mais bientôt l’armée juive clandestine, la Haganah (défense en hébreu), se lance à son tour dans la lutte armée. La soldatesque britannique se regroupe autour des sièges de l’administration mandataire, comme autant de petites forteresses ironiquement surnommées par les Juifs « Bevingrad ». Le 22 juillet 1946, un attentat contre l’hôtel King David, siège du mandat, fait une centaine de morts. Pour l’opinion britannique, c’en est trop : « Bring the boys home ! », s’écrient les manifestants londoniens, qui savent qu’en deux ans, près de 150 militaires anglais sont tombés en Terre sainte et 350 y ont été grièvement blessés. Quant au gouvernement de Sa Gracieuse Majesté, il mesure que le Royaume-Uni, épuisé par la Seconde Guerre mondiale, n’a plus les moyens de laisser stationner 100 000 hommes - un dixième des ses forces à l’étranger - en Palestine, ni de dépenser les 40 millions de livres que coûte chaque année le mandat. Reste à trouver la solution la mieux à même de préserver les intérêts britanniques au Proche-Orient...

 

Implacables avec les Britanniques, les stratèges de l’Agence juive feront en revanche preuve d’une grande souplesse tactique afin de séduire les autres opinions - et dirigeants - occidentaux. En mai 1942, lors du Congrès dit de Biltmore (du nom de l’hôtel de New York où il s’est tenu), Ben Gourion avait rassemblé l’essentiel de ses troupes autour du mot d’ordre de « Commonwealth juif » en Palestine. Progressivement, cependant, il mesure que, pour les Juifs, revendiquer la totalité de la Palestine, c’est nier tout droit aux Arabes et donc s’aliéner des sympathies de la plupart des puissances occidentales qui, à des degrés divers, ont toutes des intérêts à défendre dans les pays de la région. L’Agence juive en tient le plus grand compte. Après avoir repoussé un plan d’autonomie préfigurant soit le partage, soit l’État fédéral, dit plan Morrison-Grady, elle abat ses cartes en se déclarant - le 4 août 1946 - « prête à discuter une proposition visant à établir un État juif viable dans une partie appropriée de la Palestine. »

Coup double : l’attentat du King David a raison de la résistance britannique, et la volte-face diplomatique du 4 août des réticences américaines. Le 18 février 1947, après l’échec d’une ultime conférence judéo-arabe autour d’un plan de cantonisation de la Palestine, le gouvernement travailliste décide de « porter le problème dans son ensemble devant les Nations unies. » Lesquelles créent, en avril, une commission spéciale, l’Unscop, afin d’examiner les solutions possibles. Entre-temps, le 14 mai 1947, tournant décisif, le Soviétique Andreï Gromyko (note : alors ambassadeur de l’URSS au Conseil de sécurité des Nations unies. Il deviendra ministre des Affaires étrangères de son pays entre 1957 et 1985 et cela sans interruption.) a préconisé, de la tribune de l’ONU, la « création d’un État judéo-arabe unifié », et, à défaut, « le partage de ce pays en deux États ». Sur le terrain, la situation va forcer les partisans de la première option à se rallier à la seconde.

Dominique VIDAL et Sébastien BOUSSOIS

 

(À suivre)

 

 

 

Notes :

 

1. Lire : https://histoireengagee.ca/wp-content/uploads/2017/10/HE_Rabkin_DeclarationBalfour.pdf

2. Elie Barnavi, Une histoire moderne d’Israël, Flammarion, Paris, 1982.

3. Lire, à propos de Kielce : Marc Hillel, Le Massacre des survivants, Plon, Paris, 1985.

4. David Lazar, L’Opinion française et la naissance de l’État d’Israël, Calmann-Lévy, Paris, 1972.

5. Plan Morrison-Grady. Proposé en commun par Washington et Londres, mais à l’instigation de cette dernière, il consiste à échanger 100 000 certificats d’immigration pour les juifs contre le maintien d’un État palestinien unitaire sous la tutelle des Nations unies. Dans un discours prononcé à la Chambre des Communes, le 31 juillet 1946, Herbert Stanley Morrison, Leader de cette même Chambre, déclara ceci : « En formulant une nouvelle politique pour la Palestine, les délégations d'experts ont accepté comme base les principes énoncés dans la troisième recommandation de la Commission anglo-américaine, à savoir que la Palestine dans son ensemble ne peut être ni un Etat juif ni un Etat arabe, qu'aucune des deux communautés en Palestine ne doit dominer l'autre, et que la forme du gouvernement doit être de nature à sauvegarder les intérêts en Terre Sainte, à la foi musulmane et juive.

Les délégations d'experts font valoir les arguments suivants : Les aspirations politiques des deux communautés en Palestine sont inconciliables. Le conflit que ces aspirations ont provoqué est si amer qu'il y a peu d'espoir d'assurer, dans un délai raisonnable, la coopération entre Arabes et Juifs qui permettrait l'établissement en Palestine d'un système de gouvernement unitaire, conforme à ces principes fondamentaux, dans lequel chaque peuple joue son rôle. La seule chance de paix et de progrès immédiat vers des institutions autonomes semble résider dans la formulation de la constitution du pays de manière à donner à chacun la plus grande mesure possible de pouvoir pour gérer ses propres affaires. Les experts estiment que, dans les circonstances actuelles, le meilleur moyen d'y parvenir est d'établir des provinces arabes et juives, qui jouiront d'une large autonomie sous un gouvernement central. Ils proposent que, à cette fin, la Palestine soit divisée en quatre régions, une province arabe, une province juive, un district de Jérusalem et un district du Néguev. La province juive comprendrait la majeure partie du territoire sur lequel les Juifs se sont déjà installés et une superficie considérable entre les colonies et autour de celles-ci. Le district de Jérusalem comprendrait Jérusalem, Bethléem et leurs environs immédiats. Le district du Neguev comprendrait le triangle inhabité des terres incultes dans le sud de la Palestine au-delà des limites actuelles de la culture. La province arabe comprendrait le reste de la Palestine ; elle serait presque entièrement arabe en ce qui concerne tant la terre que la population. [...] »