Schermo : Il sorpasso (Dino Risi)
►Le Fanfaron
Il sorpasso
Dino Risi – 1962
« [...] Ce film est resté comme un document admiré dans le monde entier. Et puis, cette petite sonnette d’alarme était géniale, elle disait que la fête était finie, qu’elle s’était consumée en une minute, et qu’une époque nouvelle commençait… Et cela est magnifique. Si je devais citer un film dans ma carrière, je citerais Il sorpasso. » (Vittorio Gassman in : Positif, octobre 2000)
≈ Sinossi abbreviata :
In una Roma deserta per il Ferragosto, il trentaseienne cialtrone Bruno Cortona (Vittorio Gassman) riesce a convincere il timido studente Roberto Mariani (Jean-Louis Trintignant) a seguido sulla sua « Aurelia decappottabile e supercompressa », dandogli lezioni di edonismo spicciolo. Alla ricerca di un tabaccaio o di un ristorante i due arrivano fino a Castiglioncello, dove Bruno ritrova l’ex moglie Gianna (Luciana Angiolillo) e Lilli, la figlia sedicenne (Catherine Spaak) : il giorno dopo vorebbero andare fino a Viareggio, ma un incidente metterà tragicamente fine a questo viaggio iniziatico.
≈≈ « Uno spaccato di grande precisione sociologica dell’Italia del boom di cui Gassman incarna con istrionismo tutti i difetti (l’euforia artificiale, la presunzione, l’irresponsabilità, il vuoto di fondo) e i pochi pregi (la generosità, la disponibilità). In un paese dove anche i burini si lasciano tentare dagli ancheggiamenti del twist (la colonna sonora è una vera antologia dei motivi di moda, da Guarda come dondolo, a Pinne fucile occhiali, a Quando quando quando, a Vecchio frac, a St Tropez Twist), dove “i frigoriferi intasano i tir e i tir le strade”, Bruno Cortona si trasforma in una specie di “commesso viaggiatore spavaldamente alla prese con l’inventario dei beni che il miracolo economico squaderna alla vista dell’italiano rapito » (Gian Piero Brunetta) e che coerentemente chiede al timido Roberto : « Non bevi, non fumi, non sai nemmanco guidare la macchina: ma che te godi della vita, tu ? » La storia, però, scritta da Risi con Ettore Scola e Ruggero Maccari (e con molti dialoghi improvvisati da Gassman durante la riprese) non risolve alcune ambiguità e il finale tragico suona come una morale appiccicata a un elogio della strafottenza e dell’arte di arrangiarsi. [...] » (Il Mereghetti)
≈≈ « Un aperçu d’une grande justesse sociologique sur l’Italie du boom dont Gassman incarne avec force cabotinage l’ensemble des défauts (l’optimisme artificiel, la vantardise, l’irresponsabilité, la futilité) et les rares mérites (la générosité, la disponibilité). Dans un pays où même les briscards se laissent tenter par les sillons du twist (la bande sonore est une véritable anthologie des airs à la mode, de Guarda come dondolo, à Pinne fucile occhiali, à Quando quando, à Vecchio frac, à St Tropez Twist), où « les réfrigérateurs encombrent les camions et les camions les routes », Bruno Cortona se transforme en une espèce de « commis voyageur ouvertement confronté avec l’inventaire des « bienfaits » que le miracle économique étale à la vue de l’Italien capturé » (Gian Piero Brunetta), et qui demande systématiquement au timide Roberto : « Tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu ne sais pas conduire une voiture : mais comment profites-tu de la vie, toi ? » L’histoire, cependant, écrite par Risi avec Ettore Scola et Ruggero Maccari (et avec beaucoup de dialogues improvisés par Gassman pendant le tournage) ne résout pas certaines ambiguïtés et la conclusion tragique sonne comme une morale collée à l’exaltation de la fantaisie et de la débrouillardise. [...] » (Le Mereghetti)
- Décryptages :
- « Les deux personnages, l’outrecuidant et le timoré, l’extraverti et l’introverti, celui qui est à l’aise partout et celui qui ne l’est nulle part, sont si opposés qu’ils deviennent complémentaires et bientôt inséparables. Mais Roberto commet la faute suprême en se laissant influencer. Toute influence étant maléfique (et, comme l’a dit Oscar Wilde, immorale), en pénétrant dans l’univers de Bruno, Roberto perd son identité et – dans un dénouement choquant mais logique – la vie. Les deux personnages sont caractéristiques de leur environnement : une société amorale, superficielle, qui en est au début de sa surconsommation, qui ne tardera pas à être déçue et qui est déjà déséquilibrée. […] À l’évidence, Dino Risi a mis beaucoup de lui-même dans les deux personnages. » (Jacques Lourcelles)
- « Fabriqué par un producteur (Mario Cecchi Gori) qui n’y croyait pas beaucoup, ayant coûté très peu, tourné en six semaines, improvisé en grande partie, Le Fanfaron utilise la structure du road-movie pour composer la fresque contagieuse d’une Italie au sommet de la richesse, où l’euphorie cependant est déjà perturbée par les premiers pressentiments. Le voyage à travers le benessere est en réalité un voyage vers la mort, le klaxon arrogant de l’Aurelia B24 entonne sans le savoir une marcia funebre : dans le film, il y a des voitures claironnantes, des plages sans repos, des lieux sans silence, mais aussi un cimetière prémonitoire (où les personnages principaux voudraient aborder deux étrangères) et déjà au début, un accident mortel, pas le leur encore (Gassman ne se laisse pas impressionner et s’en inspire aussitôt pour une possible spéculation, en cherchant à exorciser l’épouvantail de la mort avec le mirage de la richesse). Grâce à sa petite touche magique, présente mais invisible, Risi réussit à énoncer une morale sans faire le moralisateur, à se perdre dans une myriade de détails en restant toutefois essentiel. […] » (Enrico Giacovelli)
- « […] Ainsi, ce qui distingue pour nous Les Monstres (1963) du Fanfaron, c’est bien la manière dont ce dernier renouvelle le genre [ndlr: la commedia all’italiana] en projetant l’univers moderniste de Moravia (fait de libération sexuelle et de description critique de la société de consommation) dans le ton ironique de la comédie comportementaliste. L’idée géniale de ce film parfait repose en effet sur le choix de rendre compte de l’état « moderne » du monde par le biais de la structure classique de l’opposition de caractères, opérant ainsi une rencontre inattendue entre le cinéma d’Antonioni – dont Risi se moque dans une fameuse réplique de Gassman sur l’aliénation – et la commedia dell’arte. Le contraste canonique entre les deux protagonistes […] est ainsi tellement ancré dans le contexte socio-historique propre au tournage du film (le boom économique, le culte de l’automobile, les congés payés, la frénésie du divertissement perpétuel) qu’il est difficile d’imaginer meilleur équilibre entre le drame et la satire, l’universel et le contextuel, le métaphorique et le documentaire [ndlr : Dino Risi soulignait, lors d’une interview pour Positif, que le film dérivait d’une réalité intrinsèque : le personnage interprété par Gassman étant la couture de plusieurs individus qu’il avait connus et avec lesquels il s’était senti approximativement comme le Roberto joué par Trintignant]. (Mathias Sabourdin)
- « En italien, Il sorpasso signifie le « dépassement » au sens que les automobilistes donnent à ce terme. Le titre original convient donc mieux au contenu du film puisque la voiture occupe une place importante, presque symbolique d’une situation particulière, tandis que le « fanfaron » ramène le sens de l’œuvre à une simple attitude psychologique. » (Freddy Buache)
- « Le finale tragique – refusé à l’origine par les producteurs, qui voulaient que le plan final montre la voiture s’envolant vers de nouveaux horizons – vient certes invalider les choix de vie faits par Bruno (Gassman), mais grâce à lui Roberto (Trintignant) venait aussi de vivre les deux plus beaux jours de sa vie. Deux jours d’illusions, peut-être. Risi laisse le spectateur sous le choc, c’est tout. » (Anne-Violaine Houcke)
Il sorpasso (Le Fanfaron). Italie, 1962. 104 minutes, Noir et blanc. Réalisation : Dino Risi. Sujet, scénario et dialogues : Ettore Scola, Ruggero Maccari et Dino Risi. Photographie : Alfio Contini. Décors et costumes : Ugo Pericoli. Montage : Maurizio Lucidi. Son : Aurelio Penacchia. Musique : Riz Ortolani (chansons interprétées par Peppino di Capri, Edoardo Vianello, Domenico Modugno, Emilio Pericoli et Miranda Martino). Production : Mario Cecchi Gori pour Fair Film, Incei Film, Sancro Film. Directeur de production : Pio Angeletti. Vittorio Gassman (Bruno Cortona), Jean-Louis Trintignant (Roberto Mariani), Catherine Spaak (Lilli, la fille de Bruno), Claudio Gora (Bibi, le fiancé de Lilli), Luciana Angiolillo (l’ex- femme de Bruno), Luigi Zerbinati (le commendatore). Sortie en Italie : 5 décembre 1962. Sortie en France : 27 juin 1963.