. Petit paysan (France, 2017 - Hubert Charuel)

 

https://www.arte.tv/fr/videos/120915-000-A/petit-paysan/

 

¬ Liminaire

Pierre (Swann Arlaud) a repris la ferme de ses parents, retraités installés à proximité. Il entretient de façon passionnée ses vingt-sept vaches laitières. Il est néanmoins paralysé d’angoisse face à la nouvelle qu’une fièvre hémorragique mortelle, l’ESB, aurait atteint de nombreuses bêtes en région Ouest. Une de ses vaches, Topaze, lui apparaît d’ailleurs malade ... Elle met aussi à bas un veau que Pierre appelle Biniou...

 

~ Critiques

. Le premier film d’Hubert Charuel, fils d’un couple d’agriculteurs de Droyes en région Grand Est, ayant lui-même travaillé dans le secteur de l’élevage laitier, se situe donc en terrain connu et vécu profondément. « Il fait le pari d’unir deux champs cinéphiles que tout semble opposer : le naturalisme rural et le thriller psychologique. Il faut admettre que l’alchimie fonctionne dès l’entrée en matière. La maladie mystérieuse qui décime les vaches de Pierre revêt un caractère polymorphe, à la fois témoin de la réalité précaire bien réelle des agriculteurs, et porte d’entrée vers une psyché distordue, qui tombe dans la paranoïa et la peur de l’apocalypse », est-il écrit dans « L’Annuel du cinéma 2018 ». Rendant compte de l’actualité du festival de Cannes 2017 pour la revue “Positif”- le film a été présenté en première mondiale à la Semaine de la critique -, Philippe Rouyer affirme, de son côté, qu’il n’avait, jusque-là, jamais vu de fiction traiter avec tant de vérité la figure d’un petit éleveur. « Swann Arlaud est sensationnel dans le rôle de Pierre. Il bichonne ses vaches, les appelle par leur prénom et en même temps les exploite. La crainte d’une épidémie, qui contraint les services vétérinaires à tuer tout le troupeau par mesure de précaution, fait basculer la chronique naturaliste dans le thriller. [...] Le réalisateur a tourné ce premier LM dans la ferme de ses parents dont il a refusé de prendre la succession pour faire du cinéma, et on comprend que ce film est un moyen d’assumer son héritage », note-t-il en substance. Pour la même revue, Vincent Thabourey (”Positif”, sept. 2017) opère un retour sur la cinématographie hexagonale avant de jauger l’œuvre de Charuel : « L’histoire de la représentation des bovins dans le cinéma français reste à écrire. Deux stars de l’étable peuvent faire office de marqueurs de cette singulière saga animalière. Marguerite, dans “La Vache et le prisonnier” (1959) d’Henri Verneuil accompagne un fuyard. Elle donne à voir la bravoure et la débrouillardise d’un Français moyen (Fernandel). Jacqueline, dans “La Vache” (2016), comédie sociale et bienveillante de Mohamed Hamidi, est une star en devenir du salon de l’agriculture. Elle traverse tranquillement l’Hexagone sous la houlette de Fatah, un modeste paysan venu d’Algérie. À plus d’un demi-siècle d’écart, le succès au box-office de ces deux fictions voyageuses rappelle l’attachement des Français à la ruralité et nourrit le fantasme collectif d’une France séculaire. Mais pour comprendre la démarche de “Petit paysan” c’est davantage du côté du documentaire qu’il convient de se tourner. En 2006, Pierre Creton, peseur au contrôle laitier, s’improvise cinéaste pour filmer sa tournée auprès d’éleveurs normands, afin de les questionner sur la relation qu’ils entretiennent avec leur bétail (”Secteur 545” du nom de son territoire d’intervention). Quatre ans plus tard, Dominique Marchais enquête sur le monde agricole en croisant les témoignages d’agriculteurs, de chercheurs et d’écrivains (”Le Temps des grâces”, 2010). On n’oubliera pas “Bovines” d’Emmanuel Gras (2012), portrait arty d’un troupeau de vaches dans lequel les éleveurs ne sont que des silhouettes en mouvement, ni les étables désertées filmées par Raymond Depardon dans “Profils paysans” (2001 à 2008), ni encore la saga de Georges Rouquier qui, de “Farrebique” (1946) à “Biquefarre” (1984), analyse les conséquences de la révolution agricole sur une famille aveyronnaise (même s’il est plutôt question ici de chèvres que de vaches). Dans la majeure partie de ces œuvres, l’intérêt de placer la vache, figure immuable et placide, au cœur du récit permet de montrer à quel point le monde change autour d’elle. Les vaches de Pierre, paysan trentenaire de la Haute-Marne, témoignent d’un modèle d’exploitation en fin de course. » Selon Vincent Thabourey, le film qui serait le plus proche de “Petit paysan” est certainement “L’Apprenti” du Franc-comtois Samuel Collardey [prix Louis-Delluc du premier film], docu-fiction relatant l’apprentissage paysan d’un adolescent écartelé entre plusieurs mondes. « Pierre est un peu le grand frère bienveillant de Mathieu (Mathieu Bulle, décédé en 2021), ce jeune homme encore inconscient de la difficulté d’exercer ce métier exigeant. [...] Pierre (idéalement incarné par Swann Arlaud) est un homme secret qui s’épanouit loin du regard de ses contemporains », conclut-il.

 

¬ Petit paysan. France, 2017. 90 minutes. R. Hubert Charuel. Sc. Claude Le Pape, H. Charuel. Ph. Sébastien Goepfert. Mont. Julie Léna, Lilian Corbeille, Grégoire Pontécaille. Mus. Myd. Prod. Domino Films. I. Swann Arlaud (Pierre Chavanges), Sara Giraudeau (Pascale Chavanges, la vétérinaire), Bouli Lanners (Jamy), Isabelle Candelier (la mère), Jean-Paul Charuel (le père), Marc Barbé (le responsable DDPP). Sortie en France : 30 août 2017. Visa d’exploitation : 143057. 535 659 entrées en France.

 

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